Aujourd’hui, je rencontre Rémi Tournaire, un passionné de contrepet qui a développé le Contrepètron, cet ingénieux outil en ligne qui vous aidera à résoudre des contrepèteries !

La Poule qui Mue : Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Rémi Tournaire, j’ai 38 ans, je suis passionné de musique et d’informatique depuis l’âge de 7 ans. Merci beaucoup pour cette « interview » !

Pouvez-vous expliquer votre projet en quelques mots ?

Il s’agit d’un site web qui tente de résoudre de façon automatique les contrepèteries qu’on lui soumet.

Après un temps de calcul, il propose une liste de résultats « candidats », classés par un score, du plus probable au moins probable. 

Il y a quelques réglages à faire au préalable, le plus important étant de dire si on s’attend à une simple inversion, ou bien une permutation de trois sons (« Le boutre du Sultan remonte le confluent de la Garonne »), ou plus. 

Pourquoi un projet autour de la contrepèterie ?

Haha bonne question ! Ben la contrepèterie, c’est un art, non ? 

Je trouvais que c’était une forme d’humour vraiment intéressante et subtile aussi ! Par exemple la fameuse « La femme du capitaine l’a fait mander à bord » : en plus de l’interversion et de la phrase grivoise obtenue, on a comme un enchaînement possible entre les deux phrases, avec en plus une opposition entre le caractère littéraire de « mander » et la nature du verbe d’arrivée. D’autre part, le « à bord » qui est un lieu, devient dans la phrase d’arrivée tout autre chose. Les effets de surprise se cumulent astucieusement !

En outre, j’avais un oncle très drôle qui m’a initié aux jeux de mots tout gamin (il en inventait de bons), et ça m’a marqué !

Comment vous est venue cette idée ?

Tout bêtement en butant sur plusieurs contrepèteries récalcitrantes du canard enchaîné. Frustré de ne pas trouver, je me suis demandé comment faire un programme qui trouve, ou au moins aide à trouver la solution.

Plus précisément, comment ça fonctionne ?

Tout d’abord le contrepètron utilise plusieurs ressources  (citées dans la section « à propos » du site) qui donnent un lexique très fourni, avec pour chaque mot, son orthographe, sa phonétique (prononciation), s’il est vulgaire ou familier, à quel domaine il appartient, etc.

Pour résoudre automatiquement une contrepèterie, il y a trois grandes étapes:

1) on transforme la phrase de départ en séquence de sons selon la phonétique de chaque mot. Pour une contrepèterie simple, on choisit ensuite deux zones et on les inverse, ce qui donne une nouvelle séquence de son « à tester ». Et en fait on génère beaucoup de possibilités d’inversion, ce qui crée beaucoup de séquences à donner à manger à l’étape 2 !

2) ensuite, pour chaque séquence produite à l’étape 1 (qui est peut-être la « vraie » phrase qu’on cherche),  on regarde si en la prononçant  on arrive à la comprendre,  et donc à la découper en mots qui existent. Attention le fait que la phrase ait un sens ou non n’intervient – malheureusement – pas ici.

3) on attribue un score à chaque solution candidate, et on les classe du plus grand score au plus petit

Qu’est ce qui a été le plus difficile à mettre en place ?

Principalement deux choses : la première c’est de calculer un score pour chaque solution candidate, qui fasse en sorte que la « vraie » solution soit dans les 10 meilleurs scores. 

Ce score est calculé à partir d’une dizaine de critères ! Par exemple s’il y a plus de mots dans la phrase d’arrivée que dans celle de départ, ça la pénalise. Par contre s’il y a un voire deux mots grivois dans la phrase candidate, elle gagne des points ! 

Je suis également en train d’ajouter un critère qui donne un score à l’ordre des mots en se fondant principalement sur leur nature (nom, adjectif). Par exemple deux déterminants ou verbes conjugués qui se suivent pénaliseront la phrase par rapport aux autres. 

La deuxième difficulté c’est de programmer un système qui trouve les cas où les frontières entre les mots changent de place.

Un bon exemple c’est « L’habile détecteur ». Forcément la solution ici commence par le mot « La » et non plus « L' », et pourtant ça n’est pas à cet endroit exact qu’on a inversé les sons ! La frontière entre les deux premiers mots a donc dû changer pour que la phrase soit correcte. Il a aussi fallu décomposer le détecteur en « des ´.. ».

Est-ce que vous souhaitez développer d’autres idées ?

Oui ! J’ai commencé à développer une page  « Faites vous-mêmes votre propre contrepèterie ». L’idée est de fournir en entrée un mot hautement dangereux, prenons par exemple « valoche » que j’ai trouvé dans l’excellent « dico de la contrepèterie » de Joël Martin. L’ordinateur procède en deux étapes : d’abord il propose un mot grivois correspondant qui est proche phonétiquement du mot valoche, ça donne un premier couple de mot (valoche/b..). Dans un second temps, l’ordinateur cherche alors deux autres mots qui ont aussi l’échange de sons v/b. En fait il en trouve une liste. Dans cette liste, on trouvera berge et v… 

On obtient donc un « carré » de 4 mots au total : 2 pour la phrase départ (Valoche/berge) et 2 pour celle d’arrivée ; on peut alors penser à la phrase « Il a laissé ses valoches sur la berge ». Bon ça n’est pas parfait, mais je viens de générer ces 4 mots en 5 minutes à l’instant avec le prototype, avec une étape « manuelle » certes, celle de sélectionner les mots proposés et de créer la phrase. Je vais étudier comment présenter ça de façon ludique pour le visiteur du site. 

Si des personnes veulent contribuer, peuvent-elles le faire ? Comment ?

Elles peuvent me contacter bien sûr !  Je serais ravi d’échanger avec des personnes à qui ça parle.

Est-ce qu’on peut vous contacter ? Un réseau social ?

Par mail (remi.tournaire@gmail.com), ou par LinkedIn !

Merci Rémi ! Bonne continuation ! J’encourage tous mes lecteurs à tester tout de suite le Contrepètron ! Et à ceux qui l’apprécient, pensez à envoyer un message sympa à son créateur !

PM